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Le Monstre

 Elle boude sans cesse
Disait-on d’elle
Petite sauvage solitaire
A l’abri des regards
... "du" regard
derrière une haie de cognassiers
jouant à la dinette
un mélange d’herbes odorantes
qui l’aurait sauvée du monstre
un mélange d’herbes poison
qui aurait tué le monstre...

Elle est très bonne élève
Disaient ses enseignants
Attentive, appliquée
Première de sa classe.
La petite rebelle s’évadait dans les livres
Mais le monstre continua
Longtemps ... trop longtemps
A la détruire
Malgré les soupes qu’elle fabriquait
Dans des casseroles rouillées
Une soupe miracle
Qui l’aurait délivrée
Et qui l’aurait tué
LUI, le Monstre...

Monik

Une enfant dans le noir...

Elle se revoit assise à la table familiale
Lors du repas du soir

"le souper" disait-on dans sa région

Le nez dans son assiette, mangeait-elle ? parlait-elle ?
Elle ne s’en souvient pas.
Chacun, à cette table, avait sa place
Mais la mère était rarement assise
allant et venant pour "servir" sa famille.

La "petite" (c’est ainsi qu’on la nommait)
Se mettait bientôt à bailler
A poser même sa tête sur son bras replié.

"va donc te coucher" lui disait-on...
Elle dormait dans la chambre des parents.
On l’y accompagnait sans doute tant elle avait peur du noir.
Une bougie ou une lampe à pétrole conduisaient les pas dans l’escalier,
Puis dans la chambre........... un grand lit.
Et le sien, bas, étroit.

Elle ne se souvient d’aucun geste de tendresse
Mais peut être en recevait-elle ?
Elle ne sait pas, ne saura jamais...

Restée seule dans le noir
Son petit corps d’enfant tremblait de peur
Une souris dans le placard
Le hululement de la chouette sur les marronniers...
Au rez-de-chaussée, le bruit des voix, peu à peu, diminuait
Et le sommeil avait raison de ses craintes et de ses angoisses.

Après un certain temps qu’elle ne peut évaluer
Des cauchemars agitaient sa nuit

          ......des soupirs
          un poids sur elle
          qui l’écrasait
          qui gigotait
          se frottant à elle

          .....une ombre au-dessus d’elle
          un corps d’homme sur son corps juvénile.

Non, ce n’était pas un mauvais rêve
Mais le "monstre" comme désormais elle le nomme.

Cette scène de violence incestueuse
Elle l’a souvent dans ses pensées
Depuis le "flash" de l’été 2000.
Mais c’est la première fois
Que la gamine devenue femme
Ose écrire ces lignes.
De nombreuses années cette scène d’horreur s’est reproduite
Et ma main tremble aujourd’hui
Un sanglot rauque m’étouffe
Je Hurle mon désespoir.....

C’était il y a bien 56 ans
Peut être davantage..........

Monik

Femmes Battues

Au moindre accès de colère
Il te jette des pierres
Tandis que toi, avec horreur,
Tu le laisses bafouer ton honneur.

Ces marques sur ton corps meurtri,
Seront présentes à vie
Et alors que peu à peu ta vie s'use,
De sa bouche, les insultes fusent.

Te battre, il le fait souvent
Parfois sous le regard de tes enfants
Mais il les fait taire
Car toutes les preuves sont éphémères.

Tu aimerais en parler autour de toi,
Mais qui comprendra ?
Malgré cette injustice innommable,
Ne commets pas l'irréparable.

Mets de côté ta tristesse,
Fais en sorte que cela cesse
Et demain, grâce à toi,
Tu verras, tout changera.

Léa (14 ans) - janvier 2010
(texte publié avec l'autorisation de ses parents)

Ma vie

J’ai toujours connu mes parents divorcés et en mauvais terme. Ils ne se sont jamais entendus et je n’ai jamais eu le droit à aucune explication.

Peut-être est ce en relation avec le passé joueur de mon père ou alors ma mère se doutait peut être des sentiments que mon père avait pour elle et pour moi ? Sincèrement je ne sais pas et finalement avec le temps, je ne préfère même pas savoir maintenant. Je ne cherche plus à comprendre, chacun vit sa vie et c’est beaucoup mieux comme cela. Le passé fait parti du passé et doit rester le passé, il ne doit pas venir bouleverser le présent et surtout compromettre le futur.

Lorsque mes parents se sont séparés, je suis restée vivre avec ma mère et je voyais mon père le weekend. Tous les weekends au départ ainsi que le mercredi puis le temps est passé et je me suis éloignée petit à petit. Avec persévérance et ténacité, j’ai réussi après plusieurs années à n’y aller qu’un weekend sur deux, ce qui m’a beaucoup soulagé, mais un weekend sur deux... c’est déjà beaucoup trop, beaucoup trop d’heure pour subir ses putin de lubies !

Mon père m’a aimé, je ne doute pas de cela mais il ne m’a pas aimé comme un père doit aimer sa propre fille. Il m’a aimé comme on aime une maitresse, une amante, une « pute ». J’étais sa « putin », sa « trainée » comme il le dit si bien lui même encore aujourd’hui. Ce père, cet homme, ce salop, m’a touché, violé et salis pendant des années. Il m’a détruit mon enfance et à bousiller ma futur vie de femme.

Malheureusement pour lui, après plusieurs années, de nombreux cauchemars, des dizaines de médicaments et surtout la volonté de m’en sortir, j’ai pu me reconstruire. J’ai appris à aimer un homme, à faire la différence entre la relation et l’amour d’un père avec l’amour que l’on peut se donner entre amants qui s’aiment.

Je ne dis pas que cela est facile, que tu arrives en quelques mois à vivre « normalement » et à accepter que l’on te touche et que l’on t’aime sans arrière pensées, mais avec le temps, tu y arrives toujours. Et je suis sur que toi aussi tu y arriveras, tu arriveras n’ont pas à oublier car tu ne peux pas oublier quelque chose d’aussi fort mais tu arriveras à accepter et à vivre avec.

Oublier ? Tu ne peux pas oublier, tu ne pourras jamais oublier le mal que cet homme ta fait subir, tu n’oublieras jamais ses mains posées sur ton corps, son odeur, ses mots, ses yeux. Mais tu accepteras. Tu arriveras à te dire, oui il m’a touché, oui il m’a violé et malgré cela je suis devenue moi, je suis devenue ce que je suis, tout cela m’a fait grandir, et surtout je m’en suis sortie.

Puis un jour viendra où tu pourras le regarder dans les yeux et tu lui diras « je sais ce que tu m’as fait, je n’ai rien oublié, j’ai même parlé et trahit ton soit disant secret ». je te promets que ce jour là arrivera, que tu seras assez forte pour le faire même si pour le moment peut être que tout cela te parait impossible. Ce jour là, une grande partie de ta culpabilité disparaitra. Cette culpabilité n’aurait déjà jamais du naitre en toi car tu n’es coupable de rien du tout, tu n’as rien fait, tu ne pouvais rien faire même si tu es persuadée du contraire au fond de toi.

Ta « vengeance » arrivera plus tard, même si certains te diront que se venger n’est pas bon mais toi tu en as besoin et je te comprends.

Moi, ma vengeance a été de porter plainte. De crier devant le monde entier que cet homme là m’a violé, m’a Sali et que maintenant il est l’heure qu’il paye et qu’il comprenne surtout que les gestes qu’il a eu envers moi ne sont pas tolérables et ne sont pas acceptables venant d’un père.

Durant l’année de mes 16ans, tout m’est revenue. Car oui, mon esprit avait tout oublié, avait tout mis de côté, avait tout effacé et tout est revenu lorsque je l’ai revu après plusieurs années d’absence.

Pendant plusieurs années nous avions coupé les ponts. Un jour il est venu me chercher comme tous les weekends et cette fois je n’ai pas voulu y aller. Sans donner aucune explication à qui que ce soit, j’ai dit « non », « non je ne veux pas venir avec toi, je reste chez maman ». Ce NON m’a fait un bien fou et m’a prouvé au fond de moi que je pouvais lui tenir tête.

Après nos « retrouvailles », je ne savais pas quoi faire. Je ne savais pas si je devais en parler, si je devais dire à quelqu’un tout ce qui me revenait.

Je n’ai pas voulu en parler. J’ai donc vécu pendant deux long mois avec cette question et ces doutes sur ce que je devais faire. Je ne dormais pas la nuit pendant des jours, je ne mangeais presque plus, rien ne passé. En conséquence j’ai perdu 17 kilos en 7semaines.

Puis un matin en allant au lycée, je me suis dit qu’il fallait que j’en parle, qu’il fallait que tout cela sorte avant que je ne supporte plus la vie et que mes différentes tentatives de suicides réussissent vraiment. Si tu savais la peur énorme qui grandissait à l’intérieur de moi, j’avais peur que personne ne me croit, j’avais peur que l’on me juge et que l’on me prenne pour une folle. Que l’on me dise que j’avais tout inventé. J’avais Honte, je me sentais sale, je vomissais toute la journée et tournais à cinq douches par jours et dès fois plus. Mes mains étaient lavées tout les quart d’heure de peur qu’elle sente son odeur et pour essayer de m’enlever ce mal que je voyais ressortir de plus en plus à chaque minutes qui passaient. Ce matin là, je suis donc allée voir l’assistante sociale du lycée à qui j’ai tout raconté, à qui j’ai vidé mon sac, ce sac que je portais depuis des années et qui me pesait tant.

Il m’a fallu quatre longues heures pour sortir tous ces mots qui me faisaient si mal.

Après ces quatre heures, je me suis senti vidée, mon corps était déjà plus propre, le plus dur était à venir.

Mais au fond de moi je savais que tout cela était « un mal pour un bien », et qu’avec le temps, ce moment dur à passer allait changer ma vie et me sortir de ce gouffre dans lequel j’étais en train de m’enfoncer.

A partir de cette déclaration tout s’est enchainé, tout a commencé.

Quelques jours semaines après, j’ai été convoqué à la gendarmerie. Il a fallu que je raconte tout de nouveau avec encore plus de détails. Tous mes moindres gestes et paroles étaient filmés et enregistrés. Il m’a fallu cinq heures pour tout raconter, je sais c’est long même très long mais il m’a fallu aller plusieurs fois au toilettes, mes vomissements étaient de plus en plus rapprochés. Cet entretien m’a rendu malade pendant des jours.

Après le passage de la gendarmerie, le lendemain j’avais un super entretien avec une psychologue. Je crois que je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi naïve et non compréhensive. Elle ne m’a pas comprise et m’a juste fait un peu plus culpabilisé. Plus jamais je ne veux revivre cela.

Le lendemain, c’était le rendez vous avec une gynécologue. Comme ci après 10ans et n’étant plus vierge, elle allait trouver quelque chose, une preuve réelle comme ils le disent si bien. Elle n’a pu juste constater qu’il y avait des traces de relation très anciennes et violentes. Par contre, elle a été incroyable, nous avons parlé ensemble pendant trois heures. Elle m’a aidé à comprendre les gestes de ce père, elle m’a soutenue et a essayé de me comprendre, ce que personne n’avait fait auparavant. Je lui dois énormément et je pense que je n’oublierai jamais cet entretien et cette femme.

Plusieurs jours et même quelques semaines plus tard, le verdict est tombé et j’ai été convoqué par la procureure. Je crois que ça a été le pire moment de toute ma vie.

Je me suis assise en face d’elle, à côté de moi se trouver l’éducatrice qui m’avait suivi. Quand la procureure a commencé à parler, mon ventre se tordait de plus en plus.

Puis je lui ai demandé, en la regardant droit dans les yeux, « quelles sont les conclusions ? va-t-il payer pour le mal qu’il m’a fait ? » . Cette femme m’a regardé droit des les yeux et m’a dit « Vous savez mademoiselle, avec les différents entretiens que vous avez eu, nous en avons tiré plusieurs conclusions. Moralement nous pouvons dire que vous avez vécu un certain traumatisme, vous avez surement vécu des choses qui vous ont fait souffrir, mais nous n’avons pas de preuves réelles. Nous ne pouvons donc pas accuser votre père de viol ni d’attouchement. Puis sincèrement, personne ne peut être sûr qu’à l’âge de quatre ans vous n’avez pas tenté votre père. » Quand ces mots sont sorti de sa bouche, je me suis demandée si elle parlait vraiment sérieusement ou si elle s’était mal exprimée.

Alors je lui ai dis « mais c’est une blague j’espère ? C’est la femme qui parle là ou la procureure ? Est ce que cette phrase est marqué sur votre papier ? ». Elle m’a répondu, « ce n’est pas marqué mais je pense que la tentation peut être présente à tout âge ».

Je vous promets que ces phrases sont gravées en moi et que je ne suis pas prête de les oublier.

Mais rassurez vous, tous les procureurs ou juges ne sont pas comme ça.

Donc voilà, après m’avoir vidé de tout ce mal, après avoir tout raconté, j’apprends que puisque les preuves réelles ne sont plus présentes, on ne peut rien faire. L’on m’a dit qu’il aurait fallu que je parle avant.

C’est dans ces moments là que l’on s’aperçoit que quelqu’un qui n’a pas vécu ces choses là, ne peut pas comprendre, ne peut pas nous comprendre.

Tu sais, tu rencontreras tout au long de ta vie des gens qui te diront que des choses pareilles ne peuvent pas exister, que tu as forcément menti car ton père ne peut pas faire ça, « il n’est pas comme ça » certains te diront. Alors ne les écoute pas, écoute ce que te dit les gens qui t’aiment, écoute ce que tu crois être juste et être vrai.

Moi, ça fait maintenant 5ans que tout ce procès est terminé et que j’ai définitivement tiré un trait avec la justice et avec mon père par la même occasion. J’ai mi du temps à me remettre de tout ça, j’ai mis du temps à accepter et à me reconstruire avec ce passé mais j’ai réussi. Je ne te dis pas que tout est rose et que je n’y pense plus, c’est faux. Certains soirs il est vrai, le passé revient à la charge et les larmes me montent, je me sens sale et je pleure toutes les larmes de mon corps, mais la douleur est moindre comparée à il y a encore 5ans.

Malgré tout ce que peuvent te dire certaines personnes, tu t’en sortiras toujours, tu souriras à la vie à un moment donné. Chez certaines personnes cela peut prendre plus de temps que pour d’autres mais la douleur laisse place à la sérénité un jour.

Avec le temps, tu arriveras peut être même à pardonner, à lui pardonner. Et oui, je sais que cela doit te paraitre inimaginable en ce moment, mais certaines personnes y arrivent. Personnellement, je ne ressens pas le besoin de lui pardonner et je sais que je ne pourrai lui pardonner, je lui en voudrai toute ma vie, mais sans haine, car la haine est mauvaise et te bouffe de l’intérieur. Je pense que je l’ai haït beaucoup trop longtemps. Maintenant je ne veux qu’une seule chose, c’est qu’un jour il est besoin de moi pour quoique ce soit, et que je puisse le regarder de nouveau dans les yeux et lui dire « je te laisse seul comme toi tu m’as laissé seul au fond de moi pendant des années ».

Moi, il est revenu vers moi il y a quelques semaines, juste un appel pour m’insulter et me dire qu’il me détestait d’avoir parler. Tu ne vas peut être pas me croire mais ce coup de téléphone m’a fait beaucoup de bien. J’attendais depuis des années qu’il reconnaisse qu’il m’avait violé, et il l’a fait. Je n’irai pas devant la justice, ma justice a été faite. Il m’a avoué le mal qu’il m’a fait et maintenant c’est lui qui souffre de se sentir « trahit ».

Comme quoi, un jour ou l’autre nous pouvons enfin avoir la vérité. Cette vérité je l’ai attendu longtemps, pendant des jours, des mois et des années et maintenant je l’ai eu.

Alors si toi aussi la justice ne t’a pas souris, si tu ne sais pas comment t’en sortir, si tu ne veux pas porter plainte, attends que la vérité vienne à toi. Parle, libère-toi, ouvre ton cœur et laisse sortir tout ce mal. Trouve la bonne personne qui saura t’écouter et t’aider. Cette personne n’est pas forcément de ta famille, cela peut être une amie, une inconnue, une psychologue, un médecin, mais trouve là et ne la lâche pas après. Laisse sortir cette saloperie de « secret », et tu verras qu’un jour cet homme qui t’a fait tout ce mal, t’avouera tout.

Certains te diront de porter plainte, et certains te diront qu’il ne faut pas. Tout ce que je peux te dire, c’est d’écouter la voix à l’intérieur de toi. Il n’y a que toi qui peut prendre la décision. Si tu te sens prête à affronter des tant de personnes qui vont te poser des millions de question, si tu t’en sens assez forte pour une confrontation ou un procès qui peut durer des années alors fait le ! Fonce ! Et surtout ne te retourne pas, ne rebrousse pas chemin, va jusqu’au bout de ton envie de faire ressortir la vérité et tu y arriveras !

Pour finir, j’aimerai vous dire à vous, vous, qui avait peut être été violé, battue, touché par un père, un membre de la famille ou un ami, de ne jamais baisser les bras. De ne jamais laisser tomber contre ces salops. La vérité ressort toujours un jour, et un homme paye toujours le prix du mal qu’il a fait subir. Entourez vous de gens qui sauront vous écouter et vous comprendre et oublier les gens qui vous jugent et vous enfoncent.

Retenez bien cela : « Il faut du temps mais tout le monde s’en sort un jour, alors relève toi ! ». Lorsqu’une certaine personne me la dit je ne l’ai pas cru, mais maintenant je peux enfin dire que si je suis encore vivante aujourd’hui et si j’ai réussi à me reconstruire petit à petit c’est grâce à ELLE.

Elodie


Je veux partager avec vous ce texte (extrait de «Puissance de la douceur», par Anne Dufourmantelle) qui fait écho en moi et qui signifie aussi combien l’AVAC représente ce lieu de création, de re-création, comme le cadre consolidé d’un métier à tisser où je peux envisager autrement le Lien.
Marie Arnaudet


Trauma et création

La douceur est ce qui retourne l’effraction traumatique en création. Ce qui sur la nuit hantée pose la lumière, sur le deuil un visage aimé, sur l’effondrement de l’exil une promesse de rive où se tenir. C’est ainsi qu’entre la lumière, empreinte plus forte que l’envie d’y revenir, plus forte que l’objet perdu de la mélancolie ou du renoncement.

Pour approcher, voire guérir d’un trauma, il faut pouvoir aller jusque-là où le corps a été atteint. Il faut coudre une autre peau sur la brûlure de l’évènement. Fabriquer une enveloppe protectrice ad minima sans quoi aucune délivrance n’est possible, car alors le trauma fera hantise dans la vie de l’individu. La douceur est l’une des conditions de cette reconstruction.

Le trauma est un ravissement négatif. Le sujet est ravi à lui- même, son moi ne gouverne plus, il est emporté, démâté, quelque chose le saisit qui le fait revenir à ce moment de l’existence où il n’était pas encore constitué ni construit mais déjà entièrement existant. Le trauma est une subversion qui ordonne un exil. De n’en rien vouloir savoir fait le lit de toutes les dépressions, du régime du renoncement le plus radical à celui en demi-teintes de la dépression blanche. Et des médicaments rafistoleront l’envie d’exister ou le chagrin d’amour ou l’échec professionnel ou le sentiment d’imposture, car rien ne vient recoudre cette plaie. Rien d’autre que la création, qui rouvre aussi autrement et ailleurs, mais sur un terrain moins mouvant.

La douceur peut venir quand cesse la douleur traumatique. Ce retour à la liberté d’un corps non violenté, d’une parole saine est déjà une création. C’est retrouver des sensations primitives de commencement du désir, de commencement du temps aussi peut-être. Sortir du trauma allège des contraintes que la douleur exerçait. La convalescence offre une saveur telle qu’elle est en soi une sorte de miracle qu’on ne goûtera que cette unique fois.

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